Astrophotographie sans suivi

Conditions opérationnelles :
– une série de prises de vue de la partie Sud de la constellation d’Orion ;
– avec un APN Canon EOS-M, images au format RAW (CR2), capteur APS-C (22.3 x 14.9 mm), résolution 5184 x 3456 (18 megapixels) ;
– petit téléobjectif Samyang 85mm F/1.4 à lentille asphérique, utilisé en pleine ouverture ;
– sur un trépied photo Manfrotto (pas de suivi, donc)
– une série de 38 images de 1s de pose entrelacées d’attente de 8-10s à 1600 ISO ;
– pas de flat, dark ou offset ;
– logiciel de traitement : PixInsight pour le réalignement et le stackage ;
– lieu d’observation : 10 km au Nord de Cahors (Lot), le 1er décembre à 23h30.

 Détail de la Constellation d’Orion et des objets célestes qui s’y trouvent (réf. externe)

Pourquoi choisir un temps de pose de 1s seulement pour chaque image ?
Comme il n’y a pas de suivi, une étoile laisse une trainée dont la dimension dépend du temps d’exposition. Si on ne veut pas dégrader la résolution de la photographie, il faut impérativement limiter le déplacement lié au mouvement diurne à 1 pixel.
A l’équateur céleste une étoile se déplace à une vitesse de 360°/jour soit 15 arcsec/seconde. En dehors de l’équateur, cette vitesse est réduite d’une facteur cosinus de la déclinaison de l’étoile. Ici, comme Orion est proche de l’équateur céleste, ce facteur est voisin de 1.
Si on suppose que le capteur de l’appareil photo est orienté en ascension droite et en déclinaison, le nombre de pixels par seconde peut s’évaluer par la formule :
(Focale/taille_du_pixel)*(15 arcsec * 4.8E-6),
le facteur 4.8E-6 servant à transformer les arcsec en radians.
Compte tenu de la focale du téléobjectif Samyang (85mm) et de la taille du pixel du capteur Canon (4.3 microns= 4.3E-3 mm), la formule donne 1.5 pixel/seconde environ. Un temps de pose de 1 à 2 secondes semble donc raisonnable.

Commentaires :
Cosmétiquement, le résultat n’est pas extraordinaire néanmoins on détecte facilement M42 (pas surprenant) mais aussi la nébuleuse de la Flamme (NGC2024) qui est beaucoup plus faible et ne se distingue même pas sur une image. Pour les plus aguerris, on distingue même la tête de cheval (IC434).Ces deux derniers objets, non visibles sur les images individuelles, sont révélés sur l’image stackée car le temps de pose des 38 images améliore le rapport Signal/Bruit.

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Une des images brutes : cadrage et résolution équivalente à l’image stackée

En y regardant de plus près afin d’estimer l’épatement des étoiles dû au mouvement céleste, on constate que les déformations des étoiles n’est pas homogène sur cette prise de vue !
Effet d’une brume localisée sur la partie gauche ?

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guy_test_mvt  guy_test_mvt_2  guy_test_mvt_3

Un traitement simpliste en jouant sur la luminosité et les contrastes permettent d’améliorer le rendu en rendant visible plus d’étoiles et des détails fins de la nébuleuse.

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Cette même image en jouant sur la luminosité et les contrastes

Un vignettage est constaté sur cette image : le centre de l’image est plus lumineuse que l’extérieur par cercles quasi-concentriques. Cet effet est visible sur la plupart des objectifs (surtout à pleine ouverture), même s’il est plus ou moins homogène ou accentué.
L’application d’un pré-traitement sur chacune des images avant stackage à partir de flat aurait amélioré la qualité de l’image finale (correction du vignettage).

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L’image stackée : une réduction (/3) a été appliquée lors du traitement

Les irrégularités lumineuses constatées sur cette image stackée sont dûes au stackage des images avec vignetage. La forme de cette dernière est le cumul des irrégularités concentriques décalées liées au réalignement des images : les 38 prises de vue se sont faites sans modification du cadrage tout en subissant le mouvement stellaire.

Deux autres objets sont visibles lors de cette série de prises de vue.
Le premier est un avion de ligne qui traverse l’image : chaque segment faisant partie d’une même trajectoire correspond à la trace laissée par l’avion durant 1s (ici, 30′ d’arc) et le “blanc” à l’espacement entre les prises de vue de l’ordre de 8-10s de déplacement de l’appareil.
Le second est un objet ayant un déplacement angulaire beaucoup plus lent qui pourrait correspondre à un satellite (1,6′ d’arc un peu plus de 6mn) même si je n’ai pu l’identifier.

Conclusion :
Ce premier test est intéressant et ouvre des perspectives.
L’utilisateur d’un APN avec un objectif assez ouvert peut révéler des objets célestes invisibles à l’œil nu, sans même utiliser une monture équatoriale permettant de compenser le mouvement diurne…
L’objectif n’est pas de rivaliser avec les images de Hubble et les différents traitements que l’on peut appliquer à ces images voire à la composition d’images filtrant certaines raies… mais de permettre à tout à chacun de révéler ce que contient le ciel au-dessus de notre tête.

Image de Hubble

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